Des origines provençales ancrées dans l’histoire de l’Abbaye de Saint Victor
Les vignes de Notre Dame tirent leur nom de la chapelle et des vestiges du prieuré éponymes. La chapelle Notre Dame, édifiée au 11ème siècle, fut donnée par le Seigneur de Brue en l’an 1079 aux moines de l’abbaye de Saint Victor à Marseille. Les moines de Saint Victor y établirent un prieuré et contribuèrent à la mise en valeur du lieu et au développement local notamment par le défrichement et l’exploitation des parcelles environnant la chapelle. Il est vraisemblable que leur influence s’étendit jusqu’aux terres de la Bastide puisque l’ensemble du territoire de Brue leur fut confié à l’époque. Nous héritons aujourd’hui de ce dur labeur et le raisin que nous récoltons porte en filigrane la marque de ces hommes et de ces femmes qui nous ont précédés, et ont su mettre au jour et entretenir ce terroir d’exception.
A propos de l’abbaye de Saint Victor à Marseille
Selon la tradition, le monastère est fondé par Jean Cassien. Après un long séjour auprès des moines anachorètes d'Égypte, il débarque à Marseille en 416. Cassien reste à Marseille jusqu'à sa mort entre 433 et 435. Il rassemble des disciples et écrit d'importants ouvrages qui servent de règle de vie et de base de réflexion à ceux qu'attire le monachisme. Ses œuvres connaissent un fort retentissement et ont été recommandées par saint Benoît à ses disciples.
Il aurait fondé à Marseille deux monastères : un pour les femmes, l’abbaye Saint-Sauveur qui se situait au sud de la place de Lenche, l'autre pour les hommes au sud du Vieux-Port, l’abbaye Saint-Victor.
Leur vocation urbaine, leur visibilité, en ont rapidement fait des lieux de formation importants et prestigieux, contribuant à la renommée de la vie spirituelle de Marseille au Ve siècle. Les positions doctrinales ont contribué à créer une véritable école des prêtres de Marseille et susciter de nombreux débats théologiques.
Après cette brillante époque, on entre dans une période plus mouvementée, liée notamment à l'invasion arabo-musulmane. En 838, une flotte sarrasine venue probablement d'Espagne pille la ville et emmène en captivité clercs et moniales. Saint-Victor est détruite. En 848, ce sont les pirates grecs qui dévastent la ville. En 923, les Sarrasins, débarqués dans le massif des Maures, dévastent à nouveau l'abbaye de Saint-Victor. L'évêque de Marseille quitte la ville pour se réfugier à Arles.
Cette longue période de turbulences et d'abandon des monastères s'achève lorsque Guillaume Ier, comte de Provence et d'Arles, surnommé le « Libérateur » repousse définitivement les Sarrasins à La Garde-Freinet en 972. La paix revient en Provence.
À la fin de cette période, la vie s'organise à Marseille entre trois pouvoirs stables, les vicomtes de Marseille, l'évêque et l'abbé de Saint-Victor. En 976, l'évêque Honorat quitte le monastère et une nouvelle communauté monastique se reforme. Il introduit à cette occasion la règle de Saint Benoît au monastère.
Cette installation des bénédictins inaugure une période brillante pour Saint-Victor, sous la conduite d'hommes remarquables comme les abbés Wilfred (1005-1020) et Isarn (1020-1047).
Le fort rayonnement de l'abbaye est également dû aux liens qui unissent les abbés de Saint-Victor aux vicomtes de Marseille et à l'aristocratie provençale, ce qui favorise l'accroissement de son pouvoir temporel et de son patrimoine foncier. Durant cette période où l'abbaye exerce une profonde influence spirituelle et culturelle dans une Provence en pleine réorganisation politique et religieuse, les possessions territoriales de l’abbaye s’accroissent considérablement : rien que dans le diocèse de Marseille, 440 églises et prieurés dépendent de Saint-Victor aux XIe et XIIe siècles. L’abbaye compte également des dépendances dans ceux d’Aix, Fréjus-Toulon, Riez, Gap, Embrun et Vaison-la-Romaine. Le monastère Sainte-Perpétue, dit « abbaye de La Celle », où Garsende de Sabran, mère du comte de Provence Raimond Bérenger IV, se retira en 1225, est aussi un prieuré de St Victor. L'abbaye possède également des domaines dans les diocèses d'Auvergne, du Languedoc, en Bigorre et en Catalogne (Barcelone).
Peu à peu, ils essaiment à travers toute la vicomté, créent plus de soixante prieurés et deviennent l'un des principaux aménageurs agricoles du sud de la Provence. Plus d'une soixantaine de moines et vingt novices vivent à l'abbaye. Saint-Victor redevient un grand centre spirituel et de formation.
Saint-Victor bénéficie d'un avantage exceptionnel en relevant directement du Saint-Siège et non de l’évêque grâce à une bulle du pape Léon IX. Cette exemption à la juridiction de l'évêque est confirmée par les papes suivants. Les papes donnent mandat à l'abbaye pour réformer nombre d'anciens monastères. Cardinal lors de son élection en 1079, Richard de Millau devient légat du pape Grégoire VII. Nommé archevêque de Narbonne, il continue à diriger la communauté. Les abbés de Saint-Victor deviennent au XIe siècle les hommes les plus puissants de la région. En 1073, c'est Raymond, un moine de l'abbaye qui devient évêque de Marseille.
À partir du milieu du XIIe siècle, des difficultés apparaissent, lorsque la Provence devient un enjeu entre les comtes de Toulouse et les rois d'Aragon. Les revenus des prieurés et des églises rentrent peu ou mal. L'abbaye doit recourir à des emprunts et se trouve dans le dernier quart du XIIe siècle écrasée de dettes.
Le 25 juin 1188, une bulle pontificale prescrit une meilleure administration, mais la situation continue de se dégrader et la discipline se relâche : absence de vie commune, vœu de pauvreté non observé et bibliothèque mise au pillage.
Au début du XIIIe siècle, la reconstruction d'une nouvelle abbatiale est entreprise, sous l'impulsion d'Hugues de Glazinis.
En 1214, un prêtre de Marseille, maître Pierre, a l'idée de construire sur la colline dénommée « La Garde », une chapelle dédiée à la Vierge Marie. Cette colline appartenant à l'abbaye de Saint-Victor, maître Pierre demande à l'abbé l'autorisation d'entreprendre des travaux. L'abbé l'autorise à y planter des vignes, à y cultiver un jardin et à y bâtir une chapelle qui deviendra plus tard la basilique Notre-Dame-de-la-Garde.
Guillaume de Grimoard, abbé de Saint-Victor en 1361, est nommé pape en 1362 sous le nom d'Urbain V. Il confirme l'affranchissement de la juridiction épiscopale, Saint-Victor dépend directement du pape.
Les enrichissements dus à Urbain V marquent une des dernières grandes périodes de l'abbaye, qui souffre, comme le reste de la Provence et de la ville, des ravages de la peste (1348), puis des conflits incessants et des désastres multiples de la guerre de Cent Ans. Ce n'est qu'après 1430 que la vie renaît progressivement. Au début du XVe siècle, l'abbaye donne asile à l'antipape Pierre de Lune dit Benoît XIII qui avait dû s'enfuir d'Avignon avant de regagner l’Espagne.
À partir du XVIe siècle, les moines victorins enfreignent la règle de leur fondateur saint Benoît. Des moines désertent le monastère et lui préfèrent la ville où ils logent.
En 1648, Le pape Innocent X confie le sort du monastère marseillais à la congrégation bénédictine de Saint-Maur qui avait relevé les monastères de Montmajour, Saint-Denis et Saint-Germain des prés.
Le 13 juillet 1726, le pape Benoît XIII érige Saint-Victor en église collégiale dont le chapitre est composé d'un abbé, d'un chantre, d'un trésorier et de seize chanoines. Par la sécularisation, les moines deviennent chanoines.
Le dernier abbé de Saint-Victor est le prince Louis François Camille de Lorraine Lambesc. Il meurt en 1787 et n'est pas encore remplacé lorsqu'éclate la Révolution.
Comme pour de nombreuses constructions religieuses, l'abbaye devient bien national en 1791. En 1794, l'abbaye et les deux églises sont dépouillées de leurs trésors, les reliques sont brûlées, l'or et l'argent servent à battre des monnaies et le lieu devient un dépôt de paille et de foin et même une prison.
En décembre 1802, l’archevêché reprend possession des lieux. La décision de restitution au culte de l'église de Saint-Victor est prise le 14 janvier 1803. L’église Saint Victor, qui reçoit en 1934 le titre honorifique de Basilique, devient paroissiale et le demeure jusqu’à aujourd’hui.